J'ai longtemps imaginé que No Parking était immunisé d'une bascule géo-politique ou géo-stratégique. Nous vendons des électrons et des bits qui circulent sur un réseau très dense de câbles sous-marins et terrestres.
En 20 ans d'existence, les frayeurs les plus intenses auront été une pelleteuse tranchant la fibre optique à 150 mètres du bureau nous forçant à passer en 4G pendant 6h (le temps qu'un technicien débarque en pleine nuit pour une première réparation de fortune) et l'incendie d'un data-center de notre hébergeur créant des pannes en cascade (par chance, nous n'avions plus de serveur dans ce data-center précis depuis quelques semaines au moment des faits). Il y avait bien eu la crise de 2008 (avec mon premier - et dernier - licenciement économique) mais notre bascule dès 2009 vers un modèle de facturation récurrente nous permettait d'atténuer les effets macro-économiques.
Quand je parlais à des confrères et consoeurs dans d'autres secteurs économiques, les soubresauts de l'actualité semblaient autrement plus impactants : qu'un bateau bloque le canal de Panama et c'était un mois qui devenait déficitaire (vive le e-commerce), qu'une révolte étudiante éclate au Bangladesh et c'était une cargaison bloquée au port puis des pénalités à payer à un client mécontent (vive la grande distribution), que le dollar monte trop haut, trop vite et c'était le résultat même de l'entreprise qui basculait dans le rouge (vive le grand import). Des hauts et des bas qui faisaient parti des joies et des contraintes d'une vie consacrée à développer sa boîte, pour eux et comme pour moi.
Le retour de Donald Trump et de sa clique aux manettes des États-Unis d'Amérique rebat les cartes en profondeur. Quand bien même j'ai suivi l'ascension du 47e POTUS depuis 2016 (grâce aux travaux de Paul Jorion en particulier), quand bien même j'ai arrêté de lire "Zero Hedge" vers 2019 (quand l'influence russe m'y est apparu trop irritante), quand bien même j'ai arrêté d'écouter Lex Fridman courant 2022 (quand je me suis rendu compte que le ratio des politiques populistes explosait et depuis Javier Milei, Donald puis Ivanka Trump, Tulsi Gabbard, Tucker Carlson, Robert F. Kennedy Jr sont passés), quand bien même j'ai quitté Twitter/X à titre privé début 2023 juste après son rachat par Musk (conforté un peu plus tard par les travaux de David Chavalarias), quand bien même j'avais lu des articles sur le Project 2025 dessiné par la Heritage Foundation en 2024, la claque de 2025 est colossale.
Alors que l'accord sur les échanges de données entre les deux rives de l'Atlantique pourrait être remis en cause, les choix que nous avons fait depuis toutes ses années prennent une tout autre allure :
- ne pas avoir de sous-traitants pour nos services Opentime et Fissa nous permet de continuer à travailler sereinement avec tous nos clients, y compris ceux qui nous ont demandé de signer des annexes liées au RGPD;
- avoir des serveurs dont nous maitrisons l'OS nous permet de garder la maitrise sur les coûts de déploiement;
- utiliser des solutions bureautiques en Open Source (Libreoffice, Matrix) nous épargne des hausses de tarif que les empires de la tech (Google et Amazon en particulier) nous préparent sous couvert d'investissements pharaoniques dans l'AI;
- être éditeur de nos propres outils logiciels en interne nous permet d'appuyer notre mutation Lean et d'être moins perméable aux aléas d'un fétichisme technologique "Move Fast and Break Things".
En explorant en détail les services que nous payons à l'aulne d'une dépendance américaine, nous avons relevé un fournisseur critique : Zoom pour les échanges vidéo. Et pour s'en débarrasser il nous faudra attendre et soutenir Matrix / Element : nous l'avons sélectionné comme support de notre messagerie instantanée interne (en particulier grâce à la facilité de création d'un connecteur vers Opentime pour gérer l'authentification), nous nous languissons désormais que ses échanges vidéo quittent le mode beta.
D'autres partenariats sont plus subtils. Ainsi entre mon départ personnel de Twitter/X et celui de No Parking, il se sera passé plus d'une année... Preuve qu'il n'est pas si facile de se défaire de tous ces petits liens vers l'oiseau bleu, quand bien même on est actif sur un réseau décentralisé, indépendant et interopérable.
Le monde a rattrapé mes croyances. Il est temps de se remonter les manches.