Dans l'univers Lean, le Lead Time ou délai d'exécution est « le temps qui s'écoule entre le début et la fin d'un processus » et chez No Parking, il est au coeur de toutes nos actions !
En quoi le lead time agit sur nos manières de travailler seul ou à plusieurs et que permet-il chez No Parking ?
La réponse, en vidéo !
Une vidéo réalisée par Chloé Philippot, chez No Parking, avec la participation de Laury Henneton, Perrick Penet et Chloé Philippot
En septembre 2021, nous avons été contactés par un client d'Opentime (le logiciel phare proposé par No Parking) qui souhaitait connaitre l'empreinte carbone résultant de leur utilisation de l'outil.
Une nouvelle aventure a alors débuté chez No Parking, celle de réaliser notre tout premier bilan carbone® !
Qu'est-ce qu'un bilan carbone® en entreprise ?
Selon l’agence de la transition écologique (ADEME), « Un Bilan GES est une évaluation de la quantité de gaz à effet de serre émise (ou captée) dans l’atmosphère sur une année par les activités d’une organisation ou d'un territoire ».
lI s’agit pour une entreprise d’analyser les émissions générées par l'ensemble de ses activités à travers un outil global. Cet outil, le bilan carbone®, a été développé par l’ADEME et est aujourd’hui une marque déposée portée par l’Association Bilan Carbone.
Réaliser un Bilan Carbone® permet d’estimer la pollution qu’une entreprise génère mais également d’identifier les actions et la quantité d’efforts à intégrer dans sa stratégie pour jouer un rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Quel bilan carbone pour No Parking ?
Ce bilan a été réalisé par Pauci Impacts Conseil en prenant compte des données sur la période du 1er avril 2019 au 31 mars 2020.
Pour l'année en question, les émissions de CO2 de No Parking s’élèvent à 25 tonnes équivalent CO2.
Il a été calculé sur le périmètre le plus large de la comptabilité carbone d'une entreprise (scope 1, 2 et 3) : les émissions directes, les émissions indirectes liées à l’énergie et les autres émissions indirectes.
L'entreprise fournissant des services numériques, les principales émissions résultent de l'organisation de No Parking dans sa vie quotidienne et non du produit fourni au client. C'est pourquoi c'est au périmètre 3 que les émissions sont les plus fortes.
Les principaux postes d'émission sont les achats, la mobilité et les immobilisations, l’énergie ne représentant que 4% des émissions et les services finaux vers les utilisateurs 1%.
En comparant les émissions de CO2 de No Parking avec celles de deux types d'entreprises dans des secteurs proches, le bilan démontre que la performance carbone rapporté au chiffre d'affaires est plus élevée chez No Parking.
Quelles actions mettre en place ?
Dans un premier temps, le bilan nous permet de calculer l'empreinte résultant de l'utilisation d'Opentime: 5,88 kg d'émissions de CO2 par utilisateur du logiciel.
Nous souhaitons désormais intégrer cette empreinte carbone dans les factures que nous envoyons à nos clients à chaque fin de mois afin d'apporter une réponse simple aux clients qui s'engagent dans une démarche de sobriété numérique et nécessitent cette donnée.
Opentime comprenant également un module de facturation intégré au module de gestion de projet, nous souhaitons mettre à disposition des clients cette fonctionnalité de comptabilité carbone dans leur facturation. Ainsi, un utilisateur d'Opentime pourra générer une facture pour ses clients en indiquant l'empreinte globale de la prestation de valeur facturée (service ou produit).
Dans un premier temps, cette empreinte peut-être calculée selon une approche forfaitaire, via les facteurs d'émissions de la méthode Bilan Carbone, si l'entreprise en question n'a pas encore réalisé de bilan carbone complet.
Ayant déménagé nos bureaux depuis la période prise en compte dans ce premier bilan, nous avons également diminué nos émissions en termes d'énergie et de performance du bâtiment.
Afin d'améliorer l'impact de la catégorie Achats, il conviendrait aussi d’obtenir des informations de la part des fournisseurs afin de procéder à une évaluation plus fine d'après Pauci Impacts Conseil.
Chez No Parking, nous travaillons sur la base des valeurs et des outils du Lean : one-piece-flow, jidoka, kaizen, PDCA... et en particulier, les kanbans.
Un kanban c'est quoi ?
En japonais, kanban signifie « étiquette » et chez No Parking, il s'agit de suivre une tâche, une action sur toute sa durée de vie.
Alors comment gère-t-on les kanbans ?
Cette vidéo a été réalisée pour une présentation de Perrick Penet dans le cadre de l'Institut Lean France et devient l'occasion d'échanger sur notre utilisation du lean management et de la gestion des kanbans qui en découle.
Réalisation Chloé, avec la participation de Perrick, Ophélie et Valentin
Si la promesse de la fin de réunions absurdes sur Zoom commence à poindre le bout de son nez, d'autres pratiques inhibitrices d'intelligence existent au travail : la philosophe Peggy Avez nous invite à en explorer quelques unes. À méditer avant de reprendre le chemin du bureau...
Si l'on cherche à améliorer la vitalité d'une structure collective quelle qu'elle soit, on a intérêt à se poser une question radicale : comment cesser de gâcher l'intelligence des personnes impliquées ? Chacun·e a pu en faire l'expérience : lorsque vous sentez votre intelligence brimée, sous-évaluée, méprisée, vous souffrez et cherchez à vous retirer. Au niveau international, on évoque la fuite des cerveaux. Mais à une moindre échelle, ce mécanisme s'observe de bien des façons. Quelles sont ces pratiques ordinaires qui génèrent tant de souffrance chez les salarié·e·s et de pertes pour les organisations ?
Ce questionnement se heurte à de nombreux tabous. Mais ici comme ailleurs, oser penser l'impensé de nos pratiques sociales permet d'identifier des biais... et de nous en libérer peu à peu.
Un préjugé qui structure nos perceptions (et nous aveugle !) veut que la supériorité d'un statut social indique la supériorité d'une parole. Dans un groupe donné, celui qui incarne l'idéal dominant par son diplôme, son genre, sa couleur de peau, son milieu social, a davantage raison que celui qui l'incarne moins.
Dans notre système de croyances, il faut ménager la susceptibilité de celui ou celle qui commande et se retenir de lui opposer des idées pertinentes. Ce n'est pas tant le désaccord qui pose problème, que la mise un mal d'un tabou social : il faut se comporter comme si le chef était plus intelligent que les personnes qui lui sont d'une façon ou d'une autre subordonnées. En d'autres termes, la dissymétrie socio-économique devrait nécessairement être soutenue par une dissymétrie intellectuelle, ce qui n'est bien sûr pas le cas. Il faut donc jouer le jeu de ce fantasme.
Chacun·e va ainsi réprimer sa parole et son intelligence pour se conformer à l'ordre hiérarchique. La femme de ménage gardera pour elle une judicieuse observation, parce qu'elle sait par expérience qu'elle sera mal accueillie. Idem pour les stagiaires, comme les secrétaires et toutes les personnes prises dans des relations qui les considèrent comme des subalternes.
Dès l'enfance, nous apprenons à ne pas nous montrer plus intelligent·e·s que les personnes exerçant l'autorité. Le respect envers l'autorité doit se manifester par l'écrasement de sa propre intelligence. Parents et professeurs n'admettent pas que les jeunes puissent avoir des idées plus pertinentes que les leurs. Cette dissymétrie les encourage donc à répéter leurs convictions sans les penser plus loin. On apprend en famille et à l'école ce qu'il faudra rejouer dans la vie professionnelle : renoncer à exercer son intelligence parce qu'on incarne déjà soit l'autorité, soit le/la subalterne.
La hiérarchie n'est donc pas seulement un mode d'organisation abstraite des fonctions. Elle structure la façon dont nous nous comportons les un·e·s avec les autres. Cette « mise en scène de la vie ordinaire » pour reprendre le titre du sociologue américain Erving Goffman - qui a beaucoup apporté sur ce sujet - nous apprend à nous conformer aux postures attendues par les normes sociales.
Lorsque vous devenez tout à fait conscient·e de ces jeux de rôles, vous percevez la perte qu'ils engendrent et l'importance de les désamorcer. Cela vous conduira à accorder de l'importance à des voix et des personnes que vous sous-estimiez.
2. Le fonctionnement bureaucratique
Un aspect dominant de la culture industrielle est son idéalisation des process. Qu'une certaine division du travail puisse être profitable à l'ensemble de la société n'est pas une idée nouvelle. Déjà Platon la présentait dans sa République. Émile Dürkheim souligne aussi le renforcement du lien social par ce mode d'organisation du travail. Mais là où une certaine division du travail peut soutenir une cohésion organique de la société, l'hyperfragmentation des process produit quant à elle un fonctionnement bureaucratique défavorable à la vitalité du corps social.
Dans cette approche, il ne s'agit pas de coordonner différents métiers, mais de réduire au maximum la part de réflexion des agents. Les personnes doivent perdre le moins de temps possible à penser leurs gestes, que ce soit avant ou après les avoir effectués. Ces mêmes gestes sont pensés par d'autres qu'eux qui occupent un statut hiérarchique supérieur (voir point précédent) : chef·fe·s, expert·e·s, consultant·e·s, etc.
On a l'habitude de considérer l'optimisation du travail sous ce prisme, qui dissocie les petites mains des esprits qui les commandent. Cette approche bureaucratique peut bien favoriser la docilité, mais non la qualité du résultat à long terme.
Si l'on souhaitait plus d'engagement durable des personnes, moins d'épuisement, et si l'on souhaite accroître notre compréhension du travail qu'elles accomplissent, il faut solliciter leur implication intellectuelle au lieu de l'externaliser.
On doit à Hegel d'avoir mis en avant la fonction du travail pour l'humain :travailler n'est pas exécuter une tâche, mais manifester son esprit par son activité. En d'autres termes, le travail effectué laisse dans le monde l'empreinte qu'on a d'abord imaginée dans notre esprit. Avant même d'avoir besoin de reconnaissance par autrui, on a besoin de se reconnaître soi-même dans la façon dont on transforme de la matière. Et travailler, d'une façon ou d'une autre, c'est apporter des transformations dans le monde.
Le plaisir de faire des ricochets est du même ordre selon Hegel : il s'agit d'observer les effets dans le monde d'un geste qu'on a initié, d'abord mentalement. Marx, élève de Hegel, développera de près cette idée : là où l'araignée exécute ce que son instinct lui commande, l'humain accomplit ce qu'il imagine d'abord. Son travail matérialise son intelligence. Priver les personnes de cet aspect de leur travail en les réduisant à des rouages, c'est les déshumaniser ou, pour reprendre un terme de Marx, les aliéner.
Dans une organisation du travail respectueuse des êtres humains, les personnes sont les mieux placées pour penser ce qu'elles font : avant, pendant et après. C'est donc leur réflexion et leur parole qu'il faut solliciter.
3. La répression de l'intelligence individuelle au nom de l'intelligence collective
La coutume actuelle est d'encourager l'intelligence dans une entreprise par des ateliers dits d'intelligence collective. On a donc bien pris conscience que nos modes d'organisation verticale ne tiraient pas assez profit des idées des salarié·e·s. Mais on a pallié ce problème en le déplaçant : désormais, au nom de l'horizontalité, il faut endurer des heures d'ateliers formatés où les questions, les exercices, le lexique et les options à disposition sont configurés par des animateur·rices.
De la sorte, on continue d'empêcher ce qui pourtant conditionne l'exercice de l'intelligence : l'indépendance d'esprit et, par là, la possibilité individuelle de formuler des problèmes et des options de façon divergente, en interrogeant les présupposés de la question imposée.
La verticalité se poursuit donc. Les personnes qui pourraient apporter le plus par leur indépendance d'esprit sont celles qui souffrent davantage de ces dispositifs : d'une part, parce qu'elles sont conscientes de la perte intellectuelle et économique que cela représente, d'autre part parce qu'elles doivent s'auto-réprimer durant plusieurs heures pour s'adapter à la norme collective.
Si l'on peut évidemment identifier l'intérêt socialisant de certains espace-temps collectifs, ceux-ci supposent aussi souvent une forme de répression de l'intelligence. Les observations de Gustave Le Bon dans sa Psychologie des foules, prolongées plus tard par Freud, soulèvent des difficultés mais elles développent ce que nous avons pu observer à nos dépens : l'esprit de groupe favorise plus facilement le conformisme et l'irresponsabilité, que l'intelligence et l'autonomie.
Plus récemment, des travaux de psychologie sociale ont montré le rôle crucial exercé par celle ou celui qui, dans un groupe, élève le premier / la première une voix critique. Aussi longtemps qu'une voix divergente est tue, le groupe obéit aux normes, même injustes.
Pour solliciter et encourager l'intelligence des salarié·e·s, il faut donc les inviter individuellement à exprimer leurs pensées les plus singulières, en les libérant de diverses façons de l'influence du groupe. Ce sera là le meilleur moyen de les impliquer et d'apprendre d'elles.
4. Le souci d'occuper
Dans l'organisation traditionnelle du travail, une même peur est à la racine de nombreux dispositifs contre-productifs : la peur de payer à ne rien faire.Il faut donc contrôler non seulement le nombre d'heures, mais leur remplissage. Et de fil en aiguille, d'année en année, on ajoute des pratiques à d'autres pratiques sans questionner leur fonction. La « rationalisation » du travail signifie souvent une réduction des ressources, mais non une réduction des tâches. Parfois même, la réduction des emplois s'accompagnent d'un accroissement des tâches bureaucratiques. Cela n'est pas si contradictoire qu'il n'y paraît : la volonté de contrôler les personnes en les occupant conduit à augmenter les tâches inutiles.
Ce besoin d'occuper les salarié·e·s pour apaiser la peur des dirigeant·e·s est un inhibiteur d'intelligence majeur. Pourquoi ? Parce que notre psyche est ainsi faite qu'exécuter des tâches inutiles génère une insatisfaction qui peut devenir douloureuse à la longue. L'absurde est source d'insatisfaction. Pour se protéger au mieux de cette insatisfaction, les individus développent des défenses psychiques et se désintéressent de leur travail. Lorsqu'on doit faire quelque chose que l'on sait absurde, on se retire mentalement de l'action physiquement accomplie, et cela a un coût psychique.
Un moyen facile de contrecarrer cette pratique inhibitrice d'intelligence est de réduire les tâches sans supprimer les emplois. En éliminant intelligemment les tâches inutiles sans diminuer les ressources, on peut réduire le temps travaillé et augmenter les salaires. Un dispositif où chaque personne impliquée gagne à être intelligent·e gagne en vitalité et conserve ses ressources les plus précieuses : les personnes.
Ce 4ème point nous conduit donc au suivant...
5. La sous-valorisation salariale
Tout travail mérite salaire. Mais inconsciemment, le salaire annoncé ne détermine pas tant l'action que le degré d'implication intellectuelle que la personne y engagera. À bas prix, elle remplira le contrat de la façon la plus minimale. À prix élevé, elle y mettra tout son esprit et elle le fera d'autant plus facilement qu'elle éprouve de la satisfaction d'être économiquement reconnue. Incidemment, la survalorisation salariale (eu égard aux pratiques de sous-valorisation) est une manière judicieuse d'encourager les employé·e·s à accroître leur implication. A fortiori si l'on explicite qu'on fait appel à leur indépendance d'esprit.
On objectera qu'il n'y a qu'une façon de respecter un cahier des charges précis. Mais l'expérience prouve le contraire : le geste poursuivi jusqu'à sa fin avec le plus d'attention n'est pas semblable à sa version minimale. On peut jouer une partition de multiples façons et l'habileté même ne suffit pas à déterminer le geste : l'ardeur intellectuelle de la personne change tout.
D'une certaine façon, la vitalité d'une structure collective repose sur la capacité qu'y développent les personnes à penser et faire autre chose que ce qu'on attendait d'elles. Cela devrait définir au sens propre une culture d'entreprise, c'est-à-dire un patchwork original tissé par la libre intelligence de chacun·e.
Nous continuons avec la philosophe Peggy Avez une réflexion intitulée travailler autrement, perspectives philosophiques. Aujourd'hui une exploration de l'écart entre les statistiques et le réel : un éclairage philosophique du Genchi Genbutsu, un des premiers principes du Lean.
Citer une étude pour en inférer une règle ou un conseil pratique : voilà une technique d'accroche des plus efficaces sur le web. Les médias d'entreprise sont tout particulièrement adeptes de la rhétorique de type : « selon une étude X, il est prouvé qu'on a plus de chances d'obtenir Y si on est/fait Z ».
Pourquoi les statistiques nous séduisent-elles autant, alors que nous connaissons leur caractère approximatif ? Qu'attendons-nous de ces lectures ? Et surtout, en quoi peuvent-elles biaiser nos comportements en nous détournant de la réalité ?
Dans cet article, je vous invite à interroger notre passion pour les études statistiques (ou ce qui s'en réclame) et à revaloriser des sources d'information primordiales dans nos vies : l'action et l'interaction.
Notre désir de prédire l'imprédictible
On y voit déjà plus clair lorsqu'on identifie les sujets pour lesquels nous cherchons l'appui des statistiques : ils concernent les comportements humains. Nous espérons que les études statistiques nous donneront des indications sur les actions à entreprendre pour obtenir tel ou tel résultat. Or, dans ce domaine, nous ne disposons que de probabilités. Pourquoi ? Parce qu'il en va de la liberté humaine. On peut bien observer des récurrences en comparant des actions et leurs effets. On peut aussi y détecter des normes sociales. Il n'en demeure pas moins que les actions humaines, parce qu'elles expriment une part irréductible de notre liberté, procèdent de ce qu'Aristote appelait les futurs contingents. Il entendait par là les événements imprévisibles, qui font intervenir la volonté humaine.
Pour Aristote, il n'y a de science que du nécessaire. En d'autres termes, seuls les événements nécessaires (ce qui se produit pour tous les cas et en tout temps) peuvent être scientifiquement connus et par là donner lieu à des prévisions. En revanche, il n'y a pas de science des futurs contingents : nous ne pouvons émettre à leur sujet que des probabilités.
Par ailleurs, du point de vue scientifique, une étude ne vaut que si elle est falsifiable, pour reprendre la thèse de l'épistémologue Karl Popper. Cela signifie qu'une hypothèse n'est scientifique que si l'on peut imaginer l'invalider par une autre expérimentation empirique. A contrario, une théorie ne peut avoir de validité scientifique si elle ne peut être invalidée. C'est un critère qui permet à Popper de distinguer la science de la religion (ou encore de la psychanalyse). Il me semble que cela permet d'évaluer aussi la non-scientificité des études statistiques dans lesquels nous cherchons des indications pratiques : leurs probabilités ne sont pas falsifiables puisque ce ne sont que des probabilités. En science, on sait qu'une bonne étude sert surtout à ouvrir la voie qui permettra de l'invalider.
Tout ceci, nous ne l'ignorons pas vraiment. Mais nous voulons nous rassurer. Notre peur de l'erreur nous conduit à rechercher les stratégies les plus probables et à leur accorder une certaine foi. Notre peur de l'erreur nourrit notre désir de croire et de faire comme si la proportion la plus élevée était la totalité des cas possibles. Nous supposons que nous aurons plus de chances d'obtenir un résultat similaire, en nous comportant comme la plupart des personnes ayant obtenu ce résultat. Bref, nous sous-estimons voire oublions subrepticement la proportion inférieure des cas, qui n'est pourtant jamais négligeable.
Le pouvoir de séduction des études statistiques mentionnées dans les articles de management ou de développement personnel repose donc sur notre goût pour les stratégies, propre à notre culture. Nous aimons penser en termes de stratégie l'articulation des actions (moyens) et des résultats (fins), quitte à occulter la part de liberté qui fait d'une action un miracle, pour reprendre le mot d'Hannah Arendt.
S'instruire par l'action et l'interaction
Ici comme dans d'autres domaines, les croyances ne nous rassurent qu'en détournant notre attention de l'incertitude et du risque qui font la réalité humaine. Bien sûr, l'action engage nécessairement la foi de celle/celui qui agit.. Le scepticisme le plus radical conduirait à l'inaction, comme l'objectait Aristote aux philosophes sceptiques de son temps. Il faut y croire suffisamment pour agir réellement. Mais en focalisant notre attention sur les conseils, principes, règles, stratégies qui s'appuient sur des probabilités statistiques, on en vient souvent à se priver des informations qui seraient réellement utiles pour agir : celles que l'on trouve dans le réalité observable par nous-même.
Sur quoi concentreriez-vous votre attention si vous ne la tourniez pas vers des conseils probabilistes ?
• l'action, envisagée comme expérimentation ;
• l'interaction, envisagée comme ouverture à la singularité du vécu de l'autre (collaborateur·rice, salarié·e, client·e...).
En agissant d'une certaine façon, vous vous instruisez auprès du réel lui-même. On a coutume désormais de dire que l'on apprend de ses erreurs. Mais il n'est pas certain qu'on puisse tirer des leçons ! Puisque, là encore, l'incertitude, l'irrégularité ou encore le miracle sont le terreau de nos pratiques. En revanche, chaque action nous permet de découvrir l'effet qui en adviendra, dans les circonstances multifactorielles qui lui sont propres.
Descartes distinguait utilement le plan du théorique et du pratique. Sur le plan théorique, il faut rejeter comme faux tout ce qui est incertain. Mais sur le plan pratique, il faut avancer sans attendre d'être certain·e. Si l'on ignore quel chemin nous permettra de sortir de la forêt, il nous faut avancer en dépit de l'incertitude, plutôt que de se laisser ralentir par des considérations abstraites.
Plus encore, nous cherchons souvent dans les études de quoi nous épargner les interactions avec les personnes concernées. Pour les employeur·e·s, le temps passé à lire des études et/ou les articles qui s'appuient sur elles peut bien donner des idées. Mais il ne leur apportera pas les informations qu'ils/elles ne peuvent obtenir qu'auprès de chaque salarié·e, collaborateur·rice, clien·e pris individuellement. Entrer en contact avec les cas réels, c'est-à-dire des personnes en chair et en os, demande plus de soin, de respect et d'attention que d'élaborer des stratégies abstraites. C'est aussi pour cette raison que les interactions sont plus instructives. Elles nous livrent ce qu'on ne trouvera jamais dans des études : la part de miracle qui fait la part humaine de nos entreprises.
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