X – C'est fou : ta remarque d'hier m'a complètement débloquée.
Moi – Et c'était quoi cette remarque ? Je t'avoue que je ne m'en souviens plus précisément...
X – Qu'il fallait que j'affiche sur le mur le tableau complet des campagnes de mailing.
Moi – Ah oui, je m'en souviens maintenant. Et alors qu'est-ce que tu as compris ?
X – J'ai effectivement fait ce planning complet comme tu me l'avais suggéré. Un beau tableau avec sur un axe toutes les campagnes en cours et sur l'autre les différentes étapes. Et je me suis rendu compte que je m'auto-bloquais sur certaines tâches !
Moi – J'ai du mal à comprendre, qu'est-ce que tu veux dire par "auto-bloquer" ?

X – Pardon, je reprends depuis le début. Chaque campagne passe par plusieurs étapes, comme la constitution des fichiers, la préparation de la page d'atterrissage ou le pré-remplissage du compte de démo. Certaines tâches sont de mon ressort, d'autres ont besoin que je me coordonne avec un autre membre de l'équipe. Et bien sûr comme on essaie de sortir une campagne par semaine - le fameux takt - et qu'une campagne a besoin de plusieurs semaines de préparation, il y a des tâches dans tous les sens.
Moi – Et "l'auto-blocage" alors ?
X – Pour garder de la souplesse, je ne distribue les tâches qu'au fur et à mesure aux uns et aux autres. J'ai déjà eu le cas d'un développeur malade pendant une semaine : comme sa tâche n'était pas prioritaire, ma campagne avait pris trois semaines de retard. À posteriori, on s'était rendu compte que quelqu'un d'autre aurait pu la faire à sa place... Bref, j'essaie de faire du juste-à-temps désormais.
Moi – Je ne comprends toujours pas cet "auto-blocage" ?
X – J'y viens : à être trop concentrée sur les tâches des autres, j'en ai oublié les miennes. Et de faire ce tableau récapitulatif, je me suis rendu compte qu'il y avait des campagnes zombie : ni réellement actives, ni vraiment stoppées, simplement dans les limbes. Plus ou moins loin d'être prêtes, elles n'attendaient qu'une tâche de ma part. Ou pire encore qu'une validation ou même un simple aiguillage vers quelqu'un d'autre.
Moi – Ah je vois...
X – Tu ne pense pas si bien dire : rien qu'en écrivant sur la feuille, toute cette absurdité m'a sauté à la figure.
Moi – La puissance du management visuel : c'est quand même un cadre très fort.
X – Cela me fait penser à mon cousin : avec ses potes motards, ils blaguaient toujours en disant que de toute façon, la moto ne va que là où on regarde, comme s'ils ne la pilotaient pas avec leurs corps, leurs bras ou leurs mains. J'ai l'impression aujourd'hui que ce n'était pas qu'une boutade en l'air, que c'était un véritable mantra entre eux.
Moi – Je ne fais pas non plus de moto, mais je vois bien le rapprochement avec ce qu'on fait en Lean : le management visuel cherche à montrer les problèmes, pour s'assurer qu'on travaille sur les bons. Parce que nous, on veut supprimer les problèmes, pas simplement les contourner : on prend le temps de faire mieux, de supprimer les obstacles sur la route.
X, enthousiaste – Clairement ! Rien que ce petit tableau me donne une chouette perspective pour les prochains jours : on devrait sortir de l'ornière plusieurs campagnes assez rapidement.
Moi, réjoui – Et maintenant que tu as une vision plus claire de l'état de chaque campagne, quel sera le prochain problème à traiter ?
X – Comment veux-tu que je le sache ? J'ai quand même du pain sur la planche avec celui que je viens de lever.
Moi – Regarde ton tableau, où se cachent les problèmes ?
X – Je te le répète, nulle part pour l'instant : je dois simplement remplir les dates à l'intersection des étapes et des campagnes; et ça roulera.
Moi – Et donc, où seront les problèmes ?
X, interloquée – Je crois que je commence à comprendre : sur mon tableau, il manque l'espace ou la case pour écrire les problèmes au fur et à mesure... pour avoir envie qu'ils apparaissent et pour enfin les voir !