X — Est-ce qu'on pourrait se faire une petite réunion bientôt ?
Moi — Non.
X, déstabilisée — Mais j'ai quand même besoin de te voir avec la développeuse : le client trouve qu'il y a trop de boutons sur un formulaire et voudrait qu'on ajoute des couleurs pour mieux les différencier.
Moi — Et est-ce que tu es d'accord avec ça ?
X — Pas vraiment. La charte de l'application n'indique que deux couleurs (vert = OK, rouge = KO) et on a déjà été contraint de valider une couleur verte en plus, plus foncée. Je me vois mal en ajouter encore une en plus, alors en ajouter deux !
Moi — Et qu'est-ce qu'en dit la développeuse ?
X — Qu'elle n'est pas chaud non plus.
Moi — Alors qu'est-ce qu'elle propose ?
X — Elle dit que c'est à moi — la designeuse — de trouver quelque chose de mieux. Et c'est pour cela que je voudrais faire cette réunion : j'en ai besoin pour avancer.
Moi — Je crois que tu veux simplement éviter de réfléchir.
X — Au contraire, je pense qu'on réfléchit mieux à plusieurs.
Moi — Et tu penses vraiment qu'attendre quelques jours pour trouver une date à trois, puis s'enfermer dans une petite salle et espérer que la bonne idée tombe du ciel soit le meilleur plan ?
X — Dis comme ça...
Moi — On a sur les mains un cadeau : un bon problème. Et toi comme moi, on sent bien que la proposition du client nous emmène doucement dans les marécages gluants de la pensée feignante.
X — Alors qu'est-ce que tu proposes ?
Moi — Je t'invite à réfléchir, à creuser le problème, à entrouvrir des contre-mesures... Et je te propose même un chemin : poser des questions aux uns et aux autres.
X — Quelle différence avec une réunion ?
Moi — Rien à voir, je te demande de prendre ce problème à bras le corps. C'est le côté stimulant d'un problème : accepter de s'y confronter et s'en servir pour s'améliorer. Le "teamwork" du Lean, ce n'est pas de refiler la patate chaude à quelqu'un d'autre ou de la diluer dans un groupe. C'est plutôt de demander à un développeur si ta dernière idée est faisable techniquement, d'apprendre le pourquoi et de découvrir les bornes du domaine des solutions. Et au passage de créer un tissu de confiance : on ne fait équipe qu'à partir du moment où chacun est à l'aise pour parler avec tous les autres, individuellement.
X — Justement je me demandais pourquoi il y a avait 4 boutons sur cette page. Est-ce que tu penses qu'on pourrait en supprimer un ou deux ? Cela pourrait aussi résoudre le problème.
Moi — Est-ce que tu crois que j'ai la réponse ?
X — J'imagine qu'il faudrait plutôt poser la question au responsable de ce client en particulier, ou même au client directement.
Moi, malicieux — Est-ce que l'un ou l'autre était prévu dans ta réunion initiale ?
X — Bien sûr que non, pour moi, c'était un problème technique...
Moi — On arrive donc au coeur du sujet : en faisant une réunion, on serait passé à côté d'une si belle occasion de casser du silo.